Sclérodermie

Focus sur une pathologie

SCLERODERMIE
SYSTEMIQUE

La sclérodermie est avant tout une maladie caractérisée par un épaississement de la peau (sklêros signifie dur en grec, et dermis, peau). Il existe plusieurs formes de sclérodermie: La sclérodermie localisée, lorsque la maladie ne touche que certains endroits de la peau (sclérodermie cutanée) et la sclérodermie systémique, lorsque l’atteinte ne se limite pas à la peau mais concerne également des organes internes, comme le tube digestif, le cœur, les poumons. Dans la sclérodermie, on assiste à un épaississement du tissu conjonctif de la peau et des organes internes. Dans la sclérodermie, le collagène est produit en excès et s’accumule dans le tissu conjonctif de la peau ou des organes touchés, entrainant un épaississement, une perte d’élasticité et une modification des différentes fonctions à assurer. Il s’y associe une atteinte des petits  vaisseaux sanguins et un  syndrome de Raynaud est constamment présent.

Epidemiologie de la sclérodermie

On estime que la sclérodermie concerne entre 5000 et 10 000 malades en France.

Cette affection touche essentiellement les femmes (4 femmes pour 1 homme environ), et se déclare généralement entre 40 et 50 ans. La maladie n’est pas exceptionnelle chez l’enfant, le plus souvent à type de sclérodermie localisée.

symptômes de la sclérodermie

Les manifestations de la scléroder­mie systémique diffèrent d’une per­sonne à l’autre. Parmi les symptô­mes les plus courants :

La sclérose de la peau débute dans la majorité des cas au niveau des mains. On parle de sclérodactylie. La peau devient tendue, raide, comme adhérente aux plans plus profonds.

Il existe d’impor­tantes variations dans le degré de gravité et dans la vitesse d’évolution de la sclérose de la peau. Selon l’extension de la sclérose de la peau, on distingue classiquement deux grandes formes de la maladie : la sclérodermie systémique limitée et la sclérodermie systémique diffuse.

  • Dans la sclérodermie systémique limitée, la sclérose cutanée qui évolue lentement et se limite généralement aux mains, aux avant-bras, aux pieds et sous les genoux de même qu’au visage.
  • Dans la sclérodermie systémique diffuse, la sclérose cutanée progresse plus rapidement et peut s’étendre à tout le corps, limitant les mouvements.

L’évaluation et l’étendue de l’atteinte cutanée est le plus souvent clinique et réalisée par le médecin lors de l’examen du patient. Un score cutané appelé score de Rodnan à été développé. Il fait appel à 17 zones définies du corps (visage, thorax, abdomen, bras, avant-bras, mains, doigts, cuisses, jambes et pieds) que l’on évalue en terme d’épaississement de la peau selon une échelle allant de 0 à 3. Ce score permet de suivre l’évolution d’un patient.

L’atteinte de la peau peut, dans de rares cas être absente alors que des organes sont touchés, on parle de sclérodermie limitée ou sine scleroderma.

Le syndrome de Raynaud apparait parallèlement à la sclérose de la peau, ou peut même la précéder de plusieurs années. Il s’agit d’un spasme des petites artères survenant le plus souvent au froid : les doigts deviennent d’abord blancs, puis bleus (avec engourdissement) et enfin rouges (avec fourmillements). Ces épisodes peuvent durer de quelques minutes à quelques heures. Le phénomène de Raynaud est sévère dans la sclérodermie systémique et peut s’accompagner dans les cas les plus graves d’ulcérations digitales.

 Les ulcérations digitales peuvent être de différentes natures :

  • Les ulcérations ischémiques sont liés au rétrécissement des artères et donc à une mauvaise arrivée de sang et de l’oxygène dans les tissus.
  • Les ulcérations mécaniques siègent en regard des reliefs osseux comme par exemple au niveau du dos des doigts en relation avec
  • Des ulcérations peuvent compliquer des calcifications sous-cutanées, notamment au niveau des doigts.

L’atteinte digestive est fréquente  chez la plupart des patients atteints de sclérodermie. L’ensemble du tube digestif peut être concerné, de l’œsophage jusqu’au rectum. L’atteinte de l’œsophage est fréquente et précoce. Le mauvais fonctionnement de l’œsophage favorise le reflux gastro-œsophagien, c’est à dire que le contenu de l’estomac arrive à remonter dans l’œsophage. Ce reflux cause des brûlures et des régurgitations acides. L’atteinte de l’intestin peut causer des troubles du transit intestinal (diarrhées/constipation) ou une dénutrition.

 L’atteinte de l’appareil locomoteur :

  •  L’atteinte articulaire se manifeste fréquemment par des douleurs de rythme inflammatoire (lien), des réveils nocturnes, des gonflements et un dérouillage des articulations. Les articulations perdent leur souplesse et les douleurs peuvent être très invalidantes.
  • Les tendons peuvent également être atteints, ce qui provoque des tendinites douloureuses et parfois des bruits caractéristiques (crissements).
  • L’atteinte musculaire se traduit par des douleurs musculaires, des crampes, et éventuellement une faiblesse des muscles des épaules, des bras, des fesses et des cuisses.

Les atteintes pulmonaires et cardiaques peuvent se traduire par un essoufflement. Cependant, ces atteintes n’entrainent pas forcement de symptôme et nécessitent un dépistage systématique et une surveillance.

  • L’atteinte pulmonaire est liée à l’inflammation puis à l’épaississement du tissu pulmonaire. Les symptômes les plus fréquents sont un essoufflement et une toux sèche. Une évaluation pulmonaire est donc indispensable au moment du diagnostic de la sclérodermie, elle doit comprendre une radiographie du poumon, un scanner thoracique haute résolution et des épreuves fonctionnelles respiratoire (EFR) (lien).

 

  • L’hypertension artérielle pulmonaire (ou HTAP) est une complication rare, souvent plus tardive. L’HTAP est définie par l’augmentation de la pression du sang dans les artères pulmonaires qui fait suite à l’obstruction progressive des petits vaisseaux pulmonaires (artérioles). Ces vaisseaux s’épaississent et se bouchent progressivement, laissant moins bien passer le sang qui normalement doit retourner vers le cœur gauche et l’aorte après avoir été oxygéné en traversant les poumons.
  • L’atteinte cardiaque touche surtout le muscle du cœur (myocarde) pouvant entrainer une insuffisance cardiaque. L’atteinte reste longtemps sans ou avec peu de conséquences cliniques. Le dépistage et la surveillance des atteintes cardiaques s’effectuent au minimum par une échocardiographie cardiaque annuelle qui apprécie les capacités de contraction et de relâchement des ventricules et par un ECG.

L’atteinte rénale de la sclérodermie systémique est rare. Elle se traduit le plus souvent par une hypertension artérielle (HTA) sévère d’emblée, ‘une insuffisance rénale rapidement progressive et une anémie. Elle est plus fréquente dans les premières années d’évolution de la sclérodermie systémique, chez des patients qui ont une forme diffuse, et est favorisée par la corticothérapie à dose élevée.

La sécheresse de la bouche est la plus courante, mais certains malades souffrent également de sécheresse des yeux, du nez ou du vagin, ce qui est source d’inconfort ou de douleurs. On parle alors de « syndrome sec » associé à la sclérodermie. La sécheresse oculaire provoque des picotements, une sensation de sable dans l’œil, la survenue de conjonctivites… Il peut également y avoir une diminution des sécrétions normales des bronches (dans les poumons), du nez, de la gorge, ce qui peut occasionner des douleurs, un enrouement ou des infections

L’évolution diffère en fonction des 2 sous-types d’atteinte cutanée, même si exceptions individuelles sont possibles :

  • Dans la forme cutanée diffuse, la maladie est rapidement progressive et peut conduire à des lésions plus ou moins importantes d’organes : les poumons (pneumopathie interstitielle), le cœur, l’intestin, les reins. Souvent, après 3 à 5 ans d’évolution, le processus de la maladie s’arrête et ne persistent que les dommages installés,
  • Dans la forme cutanée limitée, la progression de la maladie est plus lente. Les risques évolutifs de cette forme sont avant tout la survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire et/ou d’une atteinte de l’intestin grêle qui apparaissent plutôt après 10-15 ans d’évolution. Il ne faut donc pas relâcher la surveillance.

DIAGNOSTIC de la sclérodermie systemique

Les premiers signes de la sclérodermie amenant le malade à consulter (un syndrome de Raynaud, des doigts gonflés, des douleurs articulaires, un reflux gastro-œsophagien) sont peu spécifiques. Ils peuvent constituer les seuls symptômes pendant une longue période. Souvent, le diagnostic est difficile et long à établir. Il n’y a pas de test diagnostique spécifique de la sclérodermie systémique. Quand le médecin suspecte une sclérodermie systémique, il va demander des examens complémentaires pour confirmer son hypothèse. Deux examens ont une place majeure à cette étape :

Une capillaroscopie péri-unguéale est demandée quand il existe un syndrome de Raynaud débutant. Cette technique, indolore, permet de visualiser les petits vaisseaux sanguins (capillaires) du bord des ongles des mains  au microscope. La capillaroscopie peut donner des arguments au médecin pour évoquer un diagnostic de sclérodermie systémique avant l’apparition des autres symptômes (dilatation anor­male et caractéristique des vaisseaux capil­laires).

         La recherche d’auto-anticorps anti-nucléaires présents dans environ 90% des sclérodermies systémiques.

Les anticorps sont de différents types mais les 2 plus fréquents sont :

      Les anti-centromères, le plus souvent associés à une sclérodermie systémique limitée

      Les anti-topoisomérase (ou anti-Scl70 ), le plus souvent associés à une sclérodermie systémique diffuse.

D’autres examens peuvent être réalisés dans un but diagnostique à la recherche d’une atteinte cardio-pulmonaire, digestive ou articulaire (Rx du thorax, scanner des poumons, manométrie œsophagienne).

 

Une fois le diagnostic de sclérodermie systémique confirmé, plusieurs examens doivent être réalisés afin de surveiller l’évolution de la maladie et d’évaluer l’atteinte des organes internes (poumon, cœur, rein).

         une échographie cardiaque et un ECG

          une analyse sanguine – une étude de la fonction rénale avec une bandelette urinaire

         une fibroscopie œsogastrique 

 

Certains examens doivent être répétés tous les ans afin de dépister des atteintes des organes internes encore asymptomatiques.

 

   évaluation clinique

 

   analyse sanguine

 

– EFR avec DLCO

 

– échographie cardiaque et un ECG

 

 

Critères de classification

Les critères de classification ACR/EULAR 2013 permettre un diagnostic et une prise en charge plus précoces de la maladie. Dans cette classification, un score de 9 points autorise le diagnostic de sclérodermie systémique en l’absence d’une autre maladie ressemblant à la sclérodermie.

causes de la sclérodermie systémique

La sclérodermie systémique est une maladie dont l’origine exacte reste encore inconnue. Plusieurs facteurs peuvent intervenir pour dérégler le fonctionnement du système immunitaire et favoriser la survenue d’une sclérodermie systémique : des facteurs environnementaux, hormonaux, psychologiques, génétiques. Le degré d’implication de ces différents facteurs dans la survenue d’une sclérodermie systémique n’est pas connu avec certitude et fait l’objet de recherche.

Facteurs environnementaux

La recherche suggère que l’exposition à certains facteurs d’environnement peut déclencher des maladies de type sclérodermie chez des patients prédisposés. Ces facteurs d’environnement sont la silice, certaines poussières de pierre, les solvants organiques, les résines. Ils doivent être systématiquement en particulier chez les hommes atteints de sclérodermie. Les implants mammaires en silicone ont également été incriminés mais les études n’ont pas montré de relation formelle avec l’apparition d’une sclérodermie.

Facteurs hormonaux

Compte tenu de l’atteinte essentiellement féminine et du pic d’âge entre 30 et 50 ans, on peut suspecter une influence hormonale dans le déclenchement de la maladie mais le rôle exact des œstrogènes ou des autres hormones féminines n’a pas été prouvé.

Facteurs génétiques

La sclérodermie systémique n’est pas une maladie héréditaire. Même si de nombreux facteurs génétiques ont été retrouvés, leur influence sur la survenue de la maladie reste faible. Il existe une prédisposition génétique,  c’est-à-dire un terrain génétique favorisant le déclenchement de la maladie, ce qui explique l’existence de familles où plusieurs personnes sont malades, mais ce n’est pas à proprement parler une maladie génétique. De ce fait, on ne transmet pas la sclérodermie systémique à ces enfants et il n’existe pas de dépistage génétique de la maladie.

Facteurs psychologiques

Des facteurs psychologiques sont parfois retrouvés. Dans certains cas, on constate que la polyarthrite survient après un événement marquant, « stressant » tel qu’un traumatisme physique ou psychique (deuil, séparation, accouchement, intervention chirurgicale, etc.)

TRAITEMENTS de la sclérodermie systémique

Il n’y a pas de traitement permettant de guérir de la sclérodermie, mais une prise en charge adaptée permettra d’atténuer les symptômes et de maîtriser la maladie. Le traitement dépend bien entendu de la forme de sclérodermie et de la sévérité des symptômes. Une combinaison de médicaments et de traitements non médicamenteux doit être élaborée au cas par cas en fonction des organes atteints et de l’évolution de la maladie. Ce qui est très important d’avoir un suivi régulier qui doit être au minimum annuel. La prise en charge est multidisciplinaire et coordonnée par le médecin traitant en lien avec les spécialistes du centre de référence et/ou de compétence.

On distingue les traitements visant à traiter les symptômes et les complications et les des traitements immunomodulateurs ayant pour rôle de ralentir, voire d’arrêter la progression de la maladie.

 

A.    Les traitements visant à traiter les symptômes et les complications :

De nombreux médicaments peuvent être utilisés pour atténuer les symptômes de sclérodermie généralisée. Le choix de médicaments dépend des symptômes.

La prise en charge du syndrome de Raynaud et de ces complications passe par une protection efficace contre le froid (gants, chaussettes chaudes, bonnet, sous-vêtements) et une éviction de tout agent qui favoriserait la fermeture des artères (ex. tabac). Le traitement médicamenteux de première ligne repose sur les inhibiteurs calciques.

En cas d’aggravation des phénomènes vasculaires ou en cas de complications (ulcérations, nécroses digitales) on a recours à des traitements vasodilatateurs plus puissants comme la prostacycline. Les antagonistes des récepteurs de l’endothéline ont démontré leur intérêt dans la prévention des ulcérations digitales au cours de la sclérodermie systémique.

La peau : Les personnes atteintes de sclérodermie généralisée doivent prendre soin de leur peau. Gardez votre peau bien hydratée en appliquant des crèmes et des hydratants.

L’atteinte de l’œsophage peut être limitée par des mesures simples comme le fractionnement des repas mais aussi par des médicaments bloquant l’acidité gastrique (inhibiteurs de la pompe à protons). Les médicaments appelés inhibiteurs de la pompe à protons, ou IPP, peuvent contribuer à soulager les symptômes de brûlures d’estomac et de reflux acide. Lorsque le tube digestif est atteint, les médicaments qui stimulent la motilité (contractions de l’intestin), comme la dompéridone, peuvent aider.

On peut traiter les articulations enflées et enflammées avec des médicaments utilisés chez les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde. Ils comprennent les antalgiques, les AINS, la prednisone à faible dose. Le méthotrexate ou les biomédicaments peuvent également être utilisés par analogie à la polyarthrite rhumatoïde. Ces médicaments ont également un effet modificateur de la maladie avec une action sur les autres atteintes de la maladie (peau, atteinte pulmonaire).

B.    Traitements immunomodulateurs

1.     Les immunomodulateurs classiques

Dans les cas plus graves, où les poumons, les reins ou le cœur sont touchés, on peut utiliser des immunomodulateurs ou médicaments modificateurs de la maladie. Ces traitements ont pour rôle de ralentir, voire d’arrêter la progression de la maladie : il s’agit du traitement de la cause de la maladie.

Ces médicaments agissent sur le système immunitaire. Le méthotrexate (lien commun avec PR), le mofétil mycophénylate et le cyclosphophamide (lien commun avec lupus, myopathie inflammatoire) sont parmi les plus fréquemment utilisés pour la sclérodermie systémique. Ces traitements ont tous la particularité d’agir lentement. Leur efficacité ne peut être observée qu’après au moins 6 voire 12 semaines de traitement.

2.     Les biomédicaments

Certains biomédicaments (lien commun avec PR) tels que le rituximab ou le tocilizumab ont une efficacité remarquable sur l’inflammation articulaire et pourraient avoir un effet modificateur de la sclérodermie systémique. Les biomédicaments sont utilisés en cas d’inefficacité des traitements de fonds chimiques classiques, en l’absence de contre-indications à leur utilisation.

3.     La thérapie cellulaire

La thérapie cellulaire telle que l’autogreffe ce cellules souches périphériques (lien) apparait désormais comme une alternative thérapeutique à discuter chez des patients ayant une sclérodermie systémique récente avec une atteinte évolutive des organes internes.

 

Kinésithérapie et ergothérapie

La rééducation est prescrite en complément du traitement médicamenteux. Le but de la rééducation est réduire le handicap fonctionnel tant au plan locomoteur que cutané, vasculaire ou respiratoire.

La kinésithérapie s’avère très utile pour préserver la souplesse de la peau et garder la mobilité des articulations (massages/pétrissage de la peau, exercices en flexion/extension et postures d’extension des doigts).

Lergothérapeute peut vous aider à apprendre comment protéger vos extrémités et vos articulations. Des orthèses de fonction ou de repos peuvent être proposées pour soulager les articulations, entretenir les mobilités ou lutter contre les déformations. L’ergothérapeute peut également proposer des aides techniques et/ou un aménagement du domicile avec l’aide des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

     Education thérapeutique

Le développement de l’éducation thérapeutique est important pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de sclérodermie systémique.

Elle comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation du patient. Il s’agit d’une relation de partenariat entre le patient, son entourage et l’équipe soignante.